Nous sommes nombreux à avoir déjà entendu que certains comportements canins relevaient de la dominance, voir même qu’un chien essayait de vous « dominer » (en montant sur le canapé, en mettant ses pattes sur vous…). C’est une notion encore très ancrée chez certains vétérinaires, éducateurs ou propriétaires de chien. Que faut-il penser de cette théorie aujourd’hui ?

Origine de la notion de dominance
L’idée de dominance chez le chien a principalement émergé dans les années 1940-50 à partir d’observations faites sur les loups en captivité (Konrad Lorenz, 1940) (Rudolf Schenkel, 1947) (David Mech, 1970). Ces études ont conduit à la conclusion que les loups vivaient dans des groupes structurés autour d’une hiérarchie stricte, dominée par un « alpha », généralement le mâle le plus fort du groupe. En extrapolant ces résultats aux chiens domestiques, on a longtemps cru que, pour bien vivre avec un chien, il fallait « prendre la place de l’alpha » pour établir une relation saine avec son compagnon.
Cette idée a conduit à l’utilisation de techniques basées sur la soumission, comme la contrainte physique, les corrections, ou encore l‘alpha roll (mettre un chien sur le dos pour le soumettre), visant à instaurer un rapport de dominance et à montrer au chien qui est le « chef de meute« .
La remise en question du concept de dominance
Plus récemment, certaines remises en question ont permis de montrer que la théorie de la dominance est largement simplifiée, même inadaptée aux relations entre chiens et humains.
1. Les erreurs de l’étude sur les loups
Les études initiales sur la dominance ont été menées sur des loups en captivité. Cependant, nous savons aujourd’hui que le comportement des loups en captivité est très différent de celui des loups dans la nature. Dans la nature, les loups vivent généralement en groupes familiaux où les relations sont basées sur la coopération pour la survie du groupe. Le mâle et la femelle « alpha » ne sont souvent que les parents du reste du groupe, et leur rôle de leadership repose sur leur expérience et leur capacité à prendre soin du groupe, et non sur la domination par la force (David Mech, 1999) (Raphy Letzer, 2016).
Cette erreur est la raison pour laquelle David Mech, ayant grandement contribué à la théorie de la dominance, s’est exprimé 30 ans plus tard pour revenir sur ses analyses en concluant que ses observations ne pouvaient pas se généraliser à l’ensemble de l’espèce.
2. Les chiens ne sont pas des loups
Bien que les chiens partagent un ancêtre commun avec les loups (Skoglund et al., 2015), leurs comportements sociaux ont évolué au fil de leur domestication pour s’adapter à la vie humaine. Les chiens n’ont pas les mêmes dynamiques sociales que les loups sauvages, et les notions de dominance observées chez les loups ne peuvent pas simplement être transposées à la relation entre chiens et humains. De plus, les chiens domestiques sont généralement plus dépendants de l’humain que d’un besoin d’établir une hiérarchie au sein d’une « meute » familiale.

Pourquoi la théorie de la dominance est problématique
L’utilisation de la notion de dominance pour expliquer le comportement des chiens peut causer des malentendus et conduire à des méthodes d’éducation inappropriées.
1. Des comportements souvent mal interprétés
Beaucoup de comportements canins comme tirer en laisse, sauter sur les gens, ou refuser d’obéir à un ordre sont souvent perçus à tort comme des signes que le chien cherche à « dominer » son propriétaire. Rappelez-vous qu’un problème comportemental est fréquemment lié à un mal-être chez le chien ou simplement un manque d’apprentissage : aboiements intempestifs pour exprimer la peur ou le manque de dépenses, destructions à la maison à cause d’une anxiété de séparation… Personne ne souhaiterait être mis en position de soumission si vous criiez à l’aide dans une situation stressante, d’autant plus que cela empirerait simplement le problème.
2. Un impact négatif sur la relation avec le chien
L’utilisation de méthodes basées sur la dominance et la soumission peut détériorer la relation de confiance entre le chien et son propriétaire. En forçant un chien à se soumettre par des gestes coercitifs, on risque de lui causer de la peur et de l’anxiété, ce qui peut mener à des comportements de défense, voire de l’agressivité.
Conclusion
Vous l’aurez compris, bien que cette théorie continue d’être ancrée et partagée aujourd’hui, elle n’a aucune légitimité scientifique et peut entraîner d’importants problèmes au sein de votre relation avec votre poilu. Et puis, l’écouter, le récompenser et profiter des résultats, c’est quand même plus agréable que de se considérer en conflit de dominance avec son chien, non ?
Pour conclure, la science du comportement animal a évolué, et il est maintenant prouvé que le renforcement positif est une méthode beaucoup plus efficace et respectueuse pour éduquer les chiens.
N’hésitez pas à répandre vos nouvelles connaissances autour de vous si vous entendez des discours sur la dominance !
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